Les politiques territoriales aujourd’hui souffrent d’un triple écueil : leur caractère sectoriel ; leur mise en œuvre technocrate et éloignée de la démocratie et leur seule portée stratégique.
La logique globalisante et libérale de l’économie mondiale, largement adoptée en Europe et en France, fondée sur la croissance infinie, le productivisme et la libre concurrence, est à la racine de la raréfaction des ressources naturelles, de l’effondrement de la biodiversité et du dérèglement climatique. Elle a aussi, après une période d’amélioration des conditions de vie pour une grande partie de l’humanité, renforcé les inégalités territoriales importantes partout sur notre planète et affaibli la résilience face aux crises sanitaires et climatiques qui se multiplient. Le marché de libre concurrence, induisant de nombreux flux et doubles-flux de marchandises, consomme d’importantes quantités d’énergie, produit des pollutions d’une manière non soutenable et crée des dépendances inquiétantes dans un contexte géopolitique très tendu.
Cette logique libérale de l’économie a mené en France vers le développement de métropoles où se concentrent habitant·es et richesses et où sont facilités l’accès à l’emploi, aux mobilités, à la santé, à la culture et aux savoirs. Ces espaces métropolitains sont le fruit d’une exploitation exponentielle des ressources naturelles d’autres contrées dont ils sont dépendants, nécessitant des flux massifs de marchandises. Les métropoles elles-mêmes abritent d’importantes inégalités tendant à renvoyer les plus démunis à leur périphérie, là où se concentrent les pollutions rejetées par les autres quartiers. En même temps, d’autres territoires se dépeuplent, le patrimoine se dévalorise, le tissu productif se délite, les populations restantes se paupérisent, les services publics et les solidarités reculent, les choix politiques se radicalisent. Nous pensons que ces fractures territoriales sont inacceptables dans une république écologique.
Par ailleurs, les politiques publiques nationales, décidées à distance des conditions de vie particulières dans les différents territoires, se révèlent parfois inadaptées, provoquant des incompréhensions, voire des violences, comme en 2019 lors de la revalorisation de la taxe carbone sur le prix du gasoil, menant au mouvement des gilets jaunes.
Nous souhaitons poursuivre la décentralisation et créer un nouvel outil de projet de territoire de transition systémique et transversale, en donnant aux territoires des moyens financiers, humains et démocratiques nécessaires pour leur mise en œuvre.
Ces projets d’un nouveau genre seront basés sur les ressources spécifiques du territoire et sur les particularités géographiques et culturelles des paysages. Ils poursuivront les objectifs de décarbonation de nos modes de vie et des activités économiques en proposant des outils d’évaluation qualitative et quantitative des activités et des politiques portées, dans l’esprit de la Loi Sas. Ils s’appuieront sur le retour aux “biens communs” – notamment l’eau, mais aussi le sol, l’énergie – libérés de l’accaparement par quelques-uns. Ils assureront l’apaisement de la relation entre les établissements humains et le vivant, prenant en compte les limites des milieux et de leur capacité de régénération pour moduler les activités humaines.
Des méthodes nouvelles sont à inventer pour mieux prendre en compte les besoins réels et l’expression et la créativité de la population, davantage fondées sur la connaissance concrètes des territoires, des modes de faire et d’habiter.
La République écologique doit se construire sur une régulation démocratique de l’économie dans l’objectif d’une plus grande sobriété, résilience et proximité entre production et consommation, trouvant des procédés de production et de gestion les plus adaptés, à l’échelle des territoires vécus.
Le maillage des pôles d’équilibre territorial et rural (PETR) issus des “pays” de la Loi Voynet ou des Schéma de cohérence territoriale (Scot) quand ils regroupent plusieurs intercommunalités, nous semblent être la bonne échelle pour faire émerger ces débats démocratiques éclairés fondés sur la connaissance du territoire et pour fédérer la population autour d’un projet, tout en embrassant une dimension et une complexité suffisante pour faire émerger un projet systémique et transversal.
En parallèle, il est nécessaire de définir dans quel domaine l’État doit coordonner et favoriser la coopération et la solidarité entre les territoires, et dans quel domaine le rôle de l’État doit rester stratégique, veillant à garantir une égalité d’accès aux biens de première nécessité et une gestion du prix équitable, éviter une concurrence néfaste, coordonner et favoriser la coopération et la solidarité entre les territoires.