Le 13 novembre s’est tenu un webinaire au cours duquel Hélène Hardy et de nombreux membres de l’Arche se sont exprimés pour articuler le diagnostic, l’ambition, la stratégie pour parvenir à une république écologique. Extraits.

Hélène Hardy

Il y a le constat d’un plafond de verre après les municipales. Dès qu’on sort des villes-centres, l’implantation n’est plus à la même hauteur. On pourrait rester comme ça… mais si on a l’ambition de gagner des élections majeures, on ne peut pas rester comme ça !

La 5e République fonctionne par cycles de cinq années. On vient d’entrer dans un nouveau cycle et on doit se poser l’ambition de gagner la prochaine séquence.

Élargir l’implantation géographique et sociale

A ce congrès l’Arche est une orientation de renforcement de cette implantation. Les sénatoriales en septembre, les européennes en 2024 serviront de points d’appui. En 2026 les municipales sont un terrain d’appétence pour les écologistes et ce sera la préparation avec 18 mois d’avance des élections présidentielle et législatives.

Comment on construit cet élargissement ? – On ne peut pas le faire à distance, « adresser » les autres populations comme disent d’autres. Il faut partir de là où on est ; on a un certain nombre d’adhérents locaux.

Comment le parti peut être en soutien ? – Les revendications sont différentes dans ces trois types de territoires :

  • Quartiers populaires (QP) : questions d’emploi, de chômage, de mal-logement
  • Rural : service public, crainte de perte d’emploi
  • Villes-centres : pollution, mal de vivre

Le quotidien génère la manière d’entrer en relation. On entre en relation par l’action, pas forcément par la réflexion programmatique. Le meilleur moyen c’est d’être aux côtés des personnes qui sont en difficulté. On le fait mais pas assez. Il faut aider les groupes locaux (GL) à être dans l’action au lieu d’attendre de porter des actions pensées ailleurs, ou à l’échelon national. Nous voulons aider, appuyer, former les gens sur place, qu’ils aient la capacité à mettre en œuvre des actions.

En 3 ans, on peut créer une implantation significative dans un certain nombre de territoires, en ciblant dès maintenant cette stratégie d’implantation sur la base des communes.

Mettre en place une république écologique

On a des trous dans la raquette programmatique. On a une origine de lanceurs d’alerte, on parle des choses qui ne marchent pas et pas assez des solutions. Un travail de réflexion a déjà été amorcé (cf. François Thiollet et le travail des commissions thématiques). Trop de réflexions sont cloisonnées commission par commission.

Comment aujourd’hui peut-on mettre en place une république écologique ? Il faut que l’ensemble du parti s’en empare.

Plus on associe des écolos hors EELV mieux c’est, pour que la capacité programmatique du parti soit enrichie par son implantation, qui va nourrir la manière de concevoir et prioriser les programmes.

Ça ne suffira pas, on ne gagnera pas seul.e.s. On affirme clairement que municipales, présidentielles, législatives, on ne les gagnera pas seul.e.s. On peut essayer d’avoir le lead, mais on ne gagnera pas seul.e.s, et on travaille sur un programme commun. Il faut se centrer sur la réflexion programmatique d’un programme de gouvernement, entre gauche et écolos, de manière anticipée.

En 2022 on a arraché la mise en place d’une plateforme de 672 mesures construite en 12 jours, mais les électorats ne s’additionnent pas comme ça. Les électorats de ces 4 forces politiques se méfient. On est entre 90 et 100% d’addition plutôt que 100 à 110. Un Insoumis ne votera pas pour un écolo, un écolo ne votera pas pour un Insoumis. La gauche irréconciliable de Manuel Valls a une certaine réalité. Certains électeurs considèrent que voter pour un allié sort de son champ d’acceptation politique.

Pour les législatives on aura besoin évidemment d’une alliance forte écolos gauche, sur la base d’un programme crédible. On a fait la démonstration de notre capacité à dépasser certaines différences et à trouver des solutions de compromis pour que ça soit crédible pour la gestion du pays.

Crédibilité du projet = les abstentionnistes sortent du bois.

On est attaché.e.s à des valeurs et contenus programmatiques

  1. Volonté de rompre avec le système capitaliste mondialisé de manière effrénée, revenir à quelque chose de beaucoup plus régulé.
  2. Décroissance « juste ». Les limites de la planète nécessitent de poser le débat de la décroissance. Terme qui pourrait être mal compris car négatif, pas portable devant toutes les populations. On doit pouvoir l’exprimer sans se défiler sur la nécessité de moins produire, moins consommer… et mieux vivre s’il y a répartition équitable des richesses produites.
  3. Intersectionnalité. La société ne vit bien que dans le respect mutuel des différences et des singularités. Nouvelle formule : l’intersectionnalité. On est un certain nombre directement concerné.e.s. La bienveillance d’une société apaisée !
  4. La question des territoires. Nous pensons que l’effondrement / la désorganisation du système social qui a commencé va continuer, s’accélérer sans doute. Le territoire de vie, là où Damien Deville dit qu’on a enfance, racines, intégration, a des limites géographiques variables, où on peut travailler en proximité sur la résilience, capacité d’une communauté humaine à restaurer un équilibre quand un événement vient la déséquilibrer. C’est ça qui doit être conçu comme une des politiques majeures du pays. La politique doit être mise au service de la capacité des habitants des territoires à organiser la résilience de leur territoire.

Cette description est une stratégie de conquête du pouvoir et d’élargissement de l’assise de l’écologie. D’autres motions juxtaposent les intentions. Ils parlent de plus en plus des QP. Mais ce n’est pas construit et mis en scène en termes d’organisation stratégique.

Mouloud Rezouali

« Discontinuité républicaine », entend-on ? La discontinuité est surtout éducative, en matière d’emplois, de services publics. Cette discontinuité est aussi chez nous, en termes de représentativité des territoires, elle est générale. On demande l’impossible aux citoyens. J’ai la conviction d’une logique d’échec programmé. L’école publique, bien qu’elle fait tout pour contrebalancer cette logique, n’a pas les moyens de le faire efficacement. Le climat social s’est aggravé. Il y a des atteintes à l’environnement dans un contexte très urbanisé. Quand les habitants des QP sont informés sur la pollution, la malbouffe, ils n’ont pas les moyens de s’en extraire.

Claire Monod

Le projet est de concevoir un véritable régime politique. On a péché par des lacunes dans notre approche des questions régaliennes. Il est indispensable de construire une écologie régalienne, c’est une avancée historique fondamentale.

L’écologie politique a besoin de fonder ses propres outils. Les socialistes ont créé ce qu’ils appelaient la république « sociale », nous avons la responsabilité de forger cette république « écologique ». L’écologie politique doit concevoir un cadre d’action qui permette de maintenir d’un point de vue démocratique et social les conditions d’habitabilité de la Terre. Ça nous donne une feuille de route.

L’écologie populaire est un angle fondamental de cette république écologique. Elle passe par l’extension de la prise en considération de l’humain et du vivant, de l’interculturalité indispensable en lieu et place de cet universalisme réducteur tel qu’il est présenté, la décroissance, les territoires et singulièrement l’Europe – faire une république dans ce cadre européen est extrêmement nouveau.

Romain Zavallone

On est une motion singulière par rapport aux autres. Par rapport aux autres, on propose une transformation démocratique, avec une volonté de transformation idéologique. Je n’accepte plus qu’on se prenne de la gauche de la gauche des qualifications de « Macron-compatibles » alors que l’écologie est profondément de gauche. On a du mal à convaincre que l’écologie est populaire. Je suis pour l’écologie des propositions et pas des accusations, des polémiques. Notre motion n’est pas issue des motions du précédent congrès.

Il est très important de parler aujourd’hui de condition animale. Il y a un vrai électorat, et le Giec demande la transformation du territoire à faire via l’agriculture. On mange trop de viande, alimentation à la botte des lobbies agro-industriels. Parlons d’alimentation aux populations. Bien manger ça parle à tout le monde. Pour parler de l’écologie populaire, parlons de transition alimentaire. On apprend ça aux gens dès l’école. Il faut continuer à faire monter le sujet de l’alimentation, qu’on ne retrouve pas dans les autres motions.

Rachel Savin-Puget

La décroissance, on en parle beaucoup mais pas tant de personnes savent précisément ce dont il s’agit. D’après Ralentir ou périr, le livre sur la décroissance de Timothée Parrique : « réduction planifiée et démocratique de la production dans les pays riches pour réduire les pressions environnementales et les inégalités tout en maintenant les conditions de vie »

Décroissance n’est pas synonyme de dépression. Les classes populaires et classes moyennes vont en bénéficier le plus. La décroissance va apporter justice sociale, réduire les inégalités de santé, etc. L’objectif est de réduire simultanément la consommation de ressources naturelles et les inégalités sociales. Il s’agit d’atteindre cela en même temps, pas d’avoir une décroissance subie comme on peut le voir maintenant avec flambée des coûts de l’énergie ou des matières premières.

(La post-croissance c’est ce qui se passe après la décroissance, et ce n’est pas la décroissance, mot qui correspond à un contexte économique précis.)

Frédéric Kalfon

La défense des droits est structurante pour l’écologie populaire. Un certain nombre d’habitants perdent des droits, d’autres n’accèdent toujours pas à ceux dévolus à l’ensemble des citoyens. Enjeu central pour nous les écologistes dans notre capacité à élargir notre base militante.

Nathalie Morand (Marseille)

J’ai porté une action en justice contre Thierry Mariani, fait un signalement au procureur de la république et au PNF sur les liens entre RN et Russie. On fait face au dérèglement climatique, à l’explosion des inégalités, à un dictateur aux portes de l’Europe, à des médias qui agitent la peur et la colère, une idéologie fasciste envahit un peu les médias et l’environnement ambiant…

On est pas du tout dans l’action et l’incarnation. La diversité, ce sont les QP et ces militants qui doivent venir et on doit leur faire la place. Ils ont des choses à nous dire, que notre parti soit le reflet de la société. Intersectionnalité : on a bien compris que tout ça est le même terreau, l’accaparement du pouvoir par un groupe de personnes qui pensent de la même façon. Il faut sortir de la bobologie, de ce parti des centre-villes. Remettre cette démocratie de terrain au cœur de nos pratiques.

Tous les jours je constate qu’on a des militants pas formés, qui ne sont pas ouverts, ne représentent pas la société, sont parfois stigmatisants pour les copains des QP. Il faut vraiment qu’on fasse la place, pour s’agrandir et gagner les batailles électorales.

Axel Dumont (23 ans)

Populaire ce n’est pas seulement faire référence à une certaine classe de la société, c’est une capacité à rassembler, à fédérer.

Il y a 3 jeunesses :

  • Celle qui accepte le système tel qu’il est. Quand on leur parle, ils sont prêts à faire changer les choses.
  • Celle qui se bat parce qu’elle a peur, a perdu espoir, éco-anxieuse, qui milite. Parfois a perdu espoir en nous, se sont tournées vers d’autres candidats aux dernières élections.
  • Celle des QP, qui survit, combat, n’a pas forcément les outils, le langage. Dans les petits boulots, qui doit prendre sa voiture et traverser Paris et dit des mots pas très sympas sur Hidalgo et nous-mêmes, sont obligés.

Il faut un cap clair, décrit par Hélène, Claire, Fred. Effet miroir. C’est pour ça que moi-même je suis candidat. Permettre aux jeunes de passer de la rue à l’hémicycle.

Alice Brauns

Il faut créer des GL là où il n’y en a pas. Depuis 2 ans j’essaie à Granville : impossible d’avoir les coordonnées des adhérents du Sud-Manche. Le traitement des données dans le parti pose question. Il faut les protéger bien sûr, mais la hiérarchie actuelle ne facilite pas le travail militant.

Karima Delli

Envoyer au BE des gens qui vont servir le parti et pas leur petite carrière, cf le BE avec 4 députés français, on a un BE fictif là ! On est là pour servir un mouvement, les gens qu’on envoie au BE ne sont pas là pour servir leur carrière. Pourquoi on fait de la politique, pourquoi on fait un congrès : moi améliorer la vie des gens.

La France est malade, on est en convalescence démocratique. On doit faire le grand saut, dessiner un destin commun, sinon il y aura une tentative identitaire et le RN va gagner.

Il faut retrouver la France des territoires. Les QP, les travailleurs qui gagnent moins de 1200 euros, les gilets jaunes, les Hauts de France avec 23 députés RN, anciens bassins industriels abandonnés par la mondialisation. Pour gagner il faut ouvrir le socle populaire de notre parti. On ne gagnera pas 2027 sans les classes populaires. Il faut arrêter le bal des égos. On ne peut pas donner l’image d’une inaction des écolos. Je veux une feuille de route claire.

Les gens ne veulent pas de revenu universel. Ils disent : donnez-nous un travail. Le sens du travail, on doit être au cœur de cette dynamique. On ne fera pas la transition écolo sans les filières. Auto 400k emplois en France, 1M avec les sous-traitants.

Le parti manque de règles. Il faut de la clarté. On ne gagnera pas s’il n’y a pas de loyauté dans notre parti. On n’a même plus de ligne de loyauté politique et d’honnêteté. On est le parti qui se tire le plus dans les pattes. Je ne suis pas d’accord pour le petit jeu de donner à voir. Règles pour se parler et se respecter les uns les autres.

Montrons aux classes populaires que sans écologie elles ont tout à perdre. Allons sur les territoires et portons leurs luttes. Dans les quartiers il y a des combats pour cantines bio, fermetures usines pour reconversion.

L’écologie populaire c’est sympa, ça donne de l’énergie !

Je crois en Hélène, elle a un parcours, jamais élue.

Il faut se réconcilier avec la base, avec les militants. C’est le moment ou jamais de montrer que ce sont nos ambassadeurs.

Cyril Pasteau

Je suis l’auteur du texte « Une ambition pour la démocratie écologiste » [et d’un projet inabouti de motion sur le vote blanc]. J’adhère à la stratégie de l’Arche. La démocratie, c’est la solution. C’est la méthode pour la victoire de l’écologie, là où le RIM 1 de la Suite – en forçant le trait – portait le message que « La démocratie ça commence à bien faire ». Posons la question dès maintenant de la gouvernance et de la démocratie interne pour l’Arche, y compris dès ce congrès. Quel fonctionnement ?

Anne Souyris

S’ouvrir c’est s’agrandir, faire avec et pas seulement pour. Les états généraux permettront d’élargir l’écologie politique. On ne peut pas se satisfaire d’une gouvernance portée sur l’intérieur. Il faut s’ouvrir sur l’extérieur pour en faire quelque chose porté par tout le monde.

Dina Deffairi Saissac

Ouvrir au plus grand nombre, être accessible au plus grand monde (attention au langage abscons, incompréhensible au plus grand monde). Il faut changer les pratiques, la façon dont on soutient les GL. L’écologie populaire est déjà à l’œuvre dans les QP : alimentation, jardins partagés.

Ce serait bien de respecter scrupuleusement le non-cumul des mandats, que ce ne soient pas toujours les mêmes candidats à toutes les élections. Avantage et particularité d’avoir une élue BE qui n’a jamais essayé d’en tirer avantage.

Constat doux-amer, on veut présence des QP mais pas trop non plus, ça dit fort ce qu’on pense tout bas. Soit s’ouvrir, soit disparaître. Faudra faire de gros efforts dans nos pratiques à nous en interne.

Rachid Benakka

Ça ne va plus au sein d’EELV, il faut un peu renouveler. Respect des militants et des adhérents. Construire à partir de maintenant. Au sein de notre parti il y a du racisme. J’ai fait partie des personnes à qui on a bloqué des adhésions, à qui on a écœuré des gens qui voulaient adhérer.